Discours contre l'antisémitisme

Discours de Frédéric BAUDIN invité à s'exprimer par Monsieur Benjamin, président du CRIF-Marseille. Discours tenu lors de la manifestation du  5 janvier 2020 contre l'antisémitisme à la suite du meurtre de Sarah HALIMI, dont le motif antisémite a été retenu mais dont l'agresseur ne sera pas jugé, invité à s'exprimer par Monsieur Benjamin, président du CRIF-Marseille.

Le pasteur Frédéric BAUDIN s'exprimait au nom de la Commission de relations avec le peuple juif du CNEF. Cette commission (en création) a pour vocation d’exprimer notre amitié au peuple juif et, entre autres, de combattre toute forme de racisme et d’antisémitisme. L'antisémitisme, et tout autre attitude anti-religieuse en France, va à l'encontre de la liberté de religion défendue par le principe de la laïcité.

Il est grand temps pour nous, protestants évangéliques, de réagir de façon plus visible, plus audible, plus déterminée, contre toute forme d’antisémitisme, et donc de manifester clairement notre opposition à cette haine qui gangrène notre société..

Je veux en particulier exprimer ma sympathie à la famille Halimi, et plus largement à la communauté juive, à la suite du meurtre de Sarah Halimi qui soulève l’indignation, notre indignation, la vôtre et la mienne, celle de nos communautés protestantes évangéliques, et celle de nombreux concitoyens, juifs et non-juifs.

Nous sommes, comme vous, surpris, consternés même, par la décision prise suite à l’expertise psychiatrique, concluant à l’irresponsabilité pénale de l’assassin.

Que ce meurtre ait été commis pour des motifs antisémites, il semble que cela soit aujourd’hui reconnu, pour autant que j’aie pu en juger, d’après les articles et les rapports que j’ai consultés.

Je m’étonne, cependant, des atermoiements pour en arriver à ce simple constat, comme nous avons pu l’observer, hélas, à d’autres occasions ces dernières années… Je trouve ces hésitations pour le moins étranges…

Je m’indigne ensuite, avec vous, devant l’absence de procès et de jugement, et cela pour au moins trois raisons :

  1. D’abord, parce que la loi et notre institution judiciaire, dans un État de droit comme la France, doivent permettre d’exposer les faits de manière objective et de faire ensuite justice à la victime, et à sa famille. C’est le moins qu’on puisse attendre de la justice, et cette attente n’est pas satisfaite à ce jour.

  2. Ensuite, parce que toute décision de justice, tout jugement a un caractère exemplaire pour la société, et son absence également, de façon négative. Après chaque affaire où l’impunité l’emporte, pour diverses raisons, une jurisprudence s’installe, et l’on sait qu’elle peut conduire, si l’impunité n’est pas entièrement et clairement justifiée, à la banalisation des actes les plus répréhensibles… Je me méfie beaucoup de cette banalisation, et de l’indifférence, de la passivité, qu’elle peut induire chez nos concitoyens…

  3. Enfin, je ne suis pas psychiatre, ni juriste, mais je constate que les experts ont hésité sur le degré de conscience de l’accusé, et que plusieurs ont refusé de conclure jusqu’à l’irresponsabilité totale.

J’aimerais m’exprimer ici en tant que pasteur, en homme aux prises avec ce qu’il convient toujours d’appeler le « péché », dans sa définition biblique.

Il me semble que cette bouffée délirante, invoquée par certains psychiatres pour dépénaliser le présumé coupable, n’exténue pas toute responsabilité, si j’en juge au moins d’après les circonstances, telles que j’en ai eu connaissance et telles que je les ai comprises.

Le délire du meurtrier est sans aucun doute réel, il est d’ailleurs accru, exacerbé et peut être même provoqué par la prise, bien consciente, de stupéfiants.

Mais cet état de délire, qui anéantirait la responsabilité du meurtrier, me semble au contraire, comme dans un mauvais rêve, un cauchemar, révéler un sentiment, une pensée, enfouie, voire entretenue au plus profond de l'être, et qui s'exprime, précisément, dans ce geste où la volonté suit une sorte d'automatisme, de conditionnement qui conduit jusqu’au comportement et jusqu’à l’acte extrêmes…

C’est cela, cet entraînement fatal qui ne part pas de rien, mais du plus profond de l’être humain, qu’on appelle le « péché »… Bouffée délirante, sans doute, mais comme l’enseigne le Sage, Qohélet (l’Ecclésiaste) dans la Bible, les rêves sont alimentés par nos actes quotidiens, nos pensées les plus diverses, et ils peuvent tourner au cauchemar…

« C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle », comme le dit l’un de nos prophètes, et non des moindres…

Je forme aujourd’hui des vœux, accompagnés de notre prière, pour que nous puissions apprendre à vivre ensemble, Juifs et non-Juifs, dans le respect de notre diversité, et que  nous vivions en paix dans cette belle ville de Marseille, et dans notre pays…

Pasteur Frédéric BAUDIN, Marseille, 05/01/2020

 

Source : lecnef.org